Pierre Stamboul, militant de l'UJFP, revient dans une série de textes sur la question du sionisme, de l'antisémitisme, de la nature de l'Etat d'Israël, sans échapper aux remises en cause radicales.
Sommaire des articles :
Vidéo : Pierrre Stamboul présente l'UJFP
Retour sur le sionisme et la question juive
Les Juifs, le sionisme et Israël
Sionisme et antisémitisme
Etat juif ou société de tous ses citoyens ?
Retour sur le sionisme et la question juive
Pierre Stamboul
Une paix fondée sur l’égalité et la justice entre
Israéliens et Palestiniens est encore bien lointaine et
l’évacuation de Gaza, si elle a vraiment lieu durant
l’été 2005, n’y changera rien. Alors que depuis 1988, les
Palestiniens ont accepté de reconnaître l’état
d’Israël et de construire un état sur 22 % de la Palestine
historique (les territoires occupés en 1967), la reconnaissance
réciproque n’a pas eu lieu et l’évacuation des
territoires occupés et des 450000 Israéliens qui s’y sont
installés paraît plus qu’improbable dans un avenir proche.
Il y a plusieurs aspects dans cette guerre.
-- L’aspect colonial est incontestable. Les sionistes ont, dès
leur arrivée, ignoré ou méprisé le peuple
autochtone. Les méthodes utilisées par les sionistes pour
acquérir des propriétés avant 1948 puis pour
s’emparer de 90% des terres que les Palestiniens possédaient au
moment de la Naqba (l’expulsion de 800000 Palestiniens en 48-49) sont
coloniales. En 1967, les travaillistes ont pris la décision de
créer des « colonies » de peuplement en
Cisjordanie et à Gaza. Depuis l’invasion de l’Irak, il y a une
véritable « recolonisation » du Proche-Orient
initiée par Bush. Dans ce cadre, les Israéliens sont
devenus les « Blancs » de la région.
-- L’aspect impérialiste est indéniable. Depuis la fin
des années 60, les gouvernements israéliens sont soutenus
à bout de bras financièrement et militairement par
l’impérialisme américain dont ils sont devenus une
tête de pont. La nature de ce soutien a pris une telle
importance qu’aucun gouvernement américain n’est en mesure, ni
de rompre cette alliance, ni même de faire pression sur
Israël.
-- L’aspect religieux complique terriblement cette guerre. Un courant
« national religieux » s’est imposé dans la
société israélienne où il représente
25% de la population. Il est une composante indispensable pour tout
gouvernement de coalition. Au nom d’une interprétation
littérale et partiale de la Bible et des traditions
messianiques, ce courant donne une justification religieuse à
l’expulsion des Palestiniens de leur propre pays. Aux Etats-Unis, les
Chrétiens sionistes représentent aussi une large partie
de la « majorité morale », celle qui a fait
élire Bush. Ce courant millénariste et antisémite
appuie à fond les colons israéliens et prône une
« terre sainte juive », prélude à une
conversion finale au christianisme (faute de quoi, les Juifs seront
anéantis). Ce courant est le principal bailleur de fonds des
colonies.
-- L’aspect nationaliste ne doit pas être occulté. Le
sionisme a puisé son bagage théorique dans les
théories nationalistes de la fin du XIXe siècle avec
l’idée simpliste que chaque peuple a droit à un
état. C’est au nom de ce principe qu’il a inventé ses
mensonges fondateurs : « la terre sans peuple pour le peuple sans
terre », la présence « ininterrompue » des
Juifs en Palestine et le départ « spontané »
des Palestiniens en 1949 …
La « fin » de l’histoire Juive ?
Le sionisme ne peut pas se résumer à ces seuls aspects.
Ce projet idéologique a eu dès le début
l’idée de bâtir un « homme nouveau », juif
bien sûr. D’autres idéologies, souvent totalitaires, ont
eu la même prétention « d’ordre nouveau »
(fascisme, stalinisme). Pour construire l’état d’Israël, on
a ressuscité la langue religieuse (l’Hébreu) en faisant
disparaître les langues de la diaspora (ladino,
judéo-arabe, yiddish). On a sacralisé une terre où
les Juifs ne vivaient plus depuis 2000 ans. On a fabriqué une
nouvelle « identité », mélange de
fierté nationaliste, de militarisme et d’esprit pionnier,
très éloignée de l’universalisme Juif issu de la
sortie du ghetto et des « Lumières ». Les sionistes
ont considéré dès le départ
l’antisémitisme comme inéluctable et ont affirmé
que les Juifs ne pouvaient vivre qu’entre eux, le «
mélange » étant impossible. Ils ont
privilégié la construction de leur état, au
détriment de toute autre considération, y compris en
essayant d’empêcher les Juifs d’émigrer ailleurs. Ils ont
décrété la « centralité »
d’Israël, centralité qui n’a jamais existé depuis la
destruction du deuxième temple par les légions romaines.
Ils ont réécrit l’histoire juive, faisant de 2000 ans
« d’exil » une gigantesque parenthèse. Ils ont
déprécié les valeurs de la diaspora en
réduisant cette histoire à une longue suite de
persécutions. Ils sont les principaux responsables du
départ de plus d’un million de Juifs du monde Arabe qui
n’avaient pourtant jamais connu de réelle persécution.
Les racines et la culture de ces Juifs Arabes ont été
depuis occultées. Ils ont surfé sur une
interprétation de la religion où l’état
d’Israël serait quelque part le Messie tant attendu et où
le « peuple élu » aurait tous les droits sur «
la terre que Dieu lui a donnée » face aux «
étrangers », les Palestiniens n’ayant aucun droit.
Dans l’histoire du Judaïsme, il y a toujours eu un courant hostile
à tout « mélange » avec les non-juifs
et un courant plus ouvert, acceptant l’ouverture. Le sionisme voudrait
clore définitivement l’histoire juive. Le projet fou de faire
venir tous les Juifs en Israël et de les « séparer du
monde » n’est pas seulement un crime envers le peuple
Palestinien. Il met aussi en danger les 60% de Juifs qui continuent de
vivre hors d’Israël et qui souvent ont conquis difficilement la
citoyenneté et l’égalité des droits dans les pays
où ils vivent. Israël condamne ces Juifs à
être des « touristes » incapables de comprendre
qu’ils doivent immigrer. Il les oblige à une « double
allégeance » qui implique un soutien inconditionnel
à tout gouvernement israélien. Les Juifs qui refusent ce
rôle sont des « traîtres » qui ont la «
haine de soi ». L’existence d’un « état Juif »
est en soi discriminatoire. Pas seulement vis-à-vis des
non-juifs qui vivent en Israël, mais aussi vis-à-vis des
Juifs qui refusent d’émigrer.
Le projet sioniste est avant tout un projet de domination. Tous les
immigrants sont bons, pourvu qu’on puisse les considérer comme
« Juifs ». C’est ainsi que, parmi les nouveaux immigrants,
on trouve des Indiens Aymaras du Pérou, arrivés en 2002
dans les territoires occupés, de nombreux Russes (qui n’ont rien
à voir avec le judaïsme) ravis de quitter un pays en crise
ou des Ethiopiens chrétiens déclarés «
Falachas » qui vont grossir le prolétariat. En cas de
besoin, on fera immigrer des Birmans qui affirment être la
« treizième tribu ».
Le sionisme exploite l’existence de l’antisémitisme et le
souvenir du génocide nazi. En assimilant toute critique
d’Israël ou du sionisme à l’antisémitisme et en
mélangeant sciemment juif, sioniste et israélien, il
fabrique une nouvelle forme de judéophobie.
Pourtant, à l’échelle de l’histoire, c’est
peut-être le sionisme qui est une parenthèse. Sa «
victoire » idéologique au cours du XXe siècle est
largement due au génocide nazi. Il existe ou il a existé
d’autres mouvements dans le judaïsme.
Retour sur l’histoire du Bund
Le mouvement ouvrier juif né dans l’empire russe à la fin
du XIXe siècle a disparu, victime à la fois du stalinisme
et du génocide nazi. Les idées qu’il a
développées sur la question nationale en
général et sur la question juive en particulier sont plus
que jamais d’actualité. L’histoire du Bund est admirablement
relatée, documents à l’appui, par Henri Minczeles (1) et par Enzo Traverso. Pour comprendre
l’émergence du Bund, il faut se replonger dans la situation des
Juifs dans l’empire russe. Après les annexions de Pierre le
Grand et de Catherine II, les Juifs forment une importante
minorité nationale, ouvertement persécutée et
confinée dans la « zone de résidence ». En
1881, quand commence l’émigration massive vers
l’Amérique, il y a 135 millions d’habitants dans l’empire dont 5
millions et demi de Juifs (60% des Juifs du monde). Les Juifs forment
près de 10% de la population de la zone de résidence et
quasiment la moitié de la population des grandes villes de cette
zone (Varsovie, Kiev, Odessa, Vilnius …). Cette population qui s’est
fortement prolétarisée parle très majoritairement
le yiddish. S’il y a quelques patrons Juifs, la population est
essentiellement urbaine et ouvrière, travaillant dans des
petites entreprises. C’est donc un mouvement à la fois syndical,
politique et d’autodéfense face aux pogromistes qui va
émerger. Vers 1900, trois grands mouvements politiques
apparaissent : d’un côté, les différents partis
révolutionnaires (la social-démocratie qui éclate
entre Bolcheviks et Mencheviks, les Socialistes Révolutionnaires
…) affirment que l’émancipation des peuples opprimés
passe par la Révolution et qu’il n’y a aucune distinction
à faire entre les nationalités. Au contraire, les
sionistes qui se développent à cette époque,
pensent que l’antisémitisme est inéluctable, qu’il est
inutile de le combattre et qu’il faut partir en Palestine. Ils auront
très peu de succès à l’époque (la plupart
des immigrants partant aux Etats-Unis) mais de très nombreux
dirigeants sionistes sont originaires de l’empire russe.
Entre ces deux courants, le Bund développe un concept original.
Ce parti révolutionnaire représente la branche juive de
l’Internationale. En dehors de la révolution
prolétarienne, il propose « l’autonomie culturelle
», c’est-à-dire la possibilité pour les Juifs
d’avoir l’entièreté de leurs droits nationaux
(linguistiques, culturels, religieux …) sur place, sans discrimination,
ni territoire spécifique. Le Bund est laïque et ses
dirigeants sont athées, très opposés aux rabbins,
mais il défend la liberté religieuse. Il veut promouvoir
le Yiddish qui est la langue du prolétariat juif. Sur la
question de l’assimilation, le Bund n’est ni pour ni contre. Ses
dirigeants estiment que ce principe ne se décrète pas et
que l’assimilation se fera ou ne se fera pas selon les conditions
politiques ou économiques, mais qu’on ne peut pas exiger d’un
Juif qu’il s’assimile. On pourrait méditer sur cette position en
la transposant aux différentes immigrations en France
aujourd’hui.
Face à l’oppression et à l’antisémitisme, le Bund
va réussir à construire un mouvement
révolutionnaire. Malgré la clandestinité et la
répression, il atteindra plusieurs dizaines de milliers de
membres et tiendra plusieurs congrès. Il aura des élus
dans la Douma. Le Bund réussira de nombreuses grèves et
manifestera régulièrement tous les premiers mai (la
dernière manifestation aura lieu 50 ans plus tard dans le ghetto
de Varsovie assiégé). Face aux rabbins qui prônent
la soumission à l’oppression tsariste, le Bund arrachera des
conditions de travail ou des salaires moins indécents. Il
organisera des milices d’autodéfense qui porteront de rudes
coups aux pogromistes. Selon le Bund, le sionisme symbolisait une
doctrine défaitiste, acceptant l’antisémitisme et
prônant la fuite. De l’autre côté de
l’échiquier politique, les rapports entre le Bund et les
Bolcheviks se dégradèrent vite. Lénine
était persuadé que l’existence d’un Bund
séparé du reste du mouvement socialiste était un
phénomène inhérent à l’ère
précapitaliste destiné à disparaître. Il
remettait en cause l’existence d’un mouvement ouvrier
spécifiquement juif. Au moment de la révolution
d’octobre, le Bund est tiraillé et il va éclater. L’aile
qui choisira les Bolcheviks aura vite un destin tragique. En fait les
communistes ne sont intéressés que par le sigle.
Dès 1921, le Bund de Russie est dissous. Ses dirigeants qui ne
quittent pas le pays disparaîtront pour la plupart dans la
répression stalinienne. En 1925, le PC soviétique compte
un peu plus de 30000 Juifs dont 10% d’anciens bundistes.
Le Bund Polonais jouera un rôle important dans la Pologne
nouvellement indépendante (1918) où 12% de la population
est juive. Il subira une vive répression de la part d’un
régime à la fois antisémite et anti-ouvrier. Il
affrontera aussi une concurrence de plus en plus vive de la part des
sionistes. Malgré cette concurrence, il remportera nettement les
élections de 1936 dans la communauté juive. Au moment de
l’invasion allemande de 1939, le Bund participera à la
défense de la Pologne. Deux de ses dirigeants (Victor Alter et
Henryk Erlich) envoyés par leur parti à Moscou, y seront
exécutés. Le Bund participera à la
résistance dans les ghettos et jouera un rôle moteur dans
l’insurrection du ghetto de Varsovie. Son histoire s’arrête en
1945. Le génocide a fait disparaître 50% des Juifs
européens et plus de 90% des Juifs polonais. Le Yiddishland qui
avait permis l’existence d’un mouvement ouvrier révolutionnaire
a disparu. La nouvelle Pologne « communiste » fera
disparaître ce qui reste du Bund. Marek Edelman, commandant en
second de l’insurrection du ghetto, militant du Bund puis de
Solidarité et antisioniste de toujours est un des rares
survivants qui fasse le lien avec ce passé glorieux. Avec la
disparition du Bund et la renaissance de l’antisémitisme dans
les pays soi-disant communistes, la voie est libre désormais
pour l’aventure sioniste.
Les sionistes et la religion juive
On a souvent une vision assez fausse de l’imbrication entre le projet
sioniste et « les fous de Dieu ». À l’origine, le
sionisme n’est pas un mouvement religieux. Il s’est servi sciemment de
la religion pour construire son projet. Il utilise des symboles
religieux (la langue, la terre …). Mais la plupart des dirigeants
sionistes, même ceux de l’extrême droite ne sont pas ou
n’ont jamais été des religieux : Jabotinsky, Begin,
Shamir, Sharon, Eytan … Par contre, ils se sont alliés aux Fous
de Dieu. Ceux du Goush Emonim (Bloc de la Foi) ou du PNR (Parti
National Religieux) utilisent une lecture littérale et
fondamentaliste de la Bible en général et du livre de
Josué en particulier (la conquête sanglante de toutes les
villes de Canaan et le massacre de tous les impies).
L’importance politique des « nationaux religieux » et leur
extrémisme (2) ne doivent pas faire oublier
qu’historiquement, les religieux juifs ont été
très majoritairement opposés au sionisme et à la
création de l’état d’Israël. Juif soviétique
qui a quitté Leningrad en 1973 pour s’établir
brièvement à Jérusalem puis durablement à
Montréal, l’historien Yakov Rabkin a écrit l’histoire de
ces religieux antisionistes (3).
« L’identité » des Juifs religieux telle que la
décrit Rabkin n’a rien à voir avec le sionisme et elle
lui est même très profondément hostile. Il ne
s’agit pas ici bien sûr de justifier ou d’approuver la
pensée religieuse mais d’expliquer son ancrage dans la tradition
juive et sa cohérence.
Pour les religieux, le peuple Juif est celui du Livre, de la Torah. Un
bon Juif passe sa vie à étudier la Torah, à en
analyser et à en interpréter tous les aspects. Rien ne
doit interférer dans sa relation particulière avec Dieu.
Les religieux n’attachent aucune importance à la terre. Comme
l’écrivait Yeshayahu Leibowitz (1903-1994) qui est allé
jusqu’à parler de « judéo-nazi » à
propos du comportement israélien dans les territoires
occupés, « c’est le peuple juif qui a créé
l’Etat et non l’Etat, ni la Terre qui a créé le peuple.
» Pour les religieux, l’identité juive et le judaïsme
n’ont aucun rapport avec la terre et l’exil fait partie de cette
identité. Dans la Russie du XIXe siècle, les religieux
vivent comme un traumatisme la sortie du ghetto et l’arrivée du
modernisme laïque qui feront naître aussi bien le Bund ou
d’autres idéologies révolutionnaires que le sionisme. Ils
considèrent comme une grave hérésie l’idée
qu’Israël soit quelque part le Messie. « L’homme nouveau
» que le sionisme veut construire leur apparaît comme
l’antithèse du Juif religieux. Les différentes «
sectes » harédis (traditionalistes) qui apparaissent
(Loubavitch, Satmar et surtout Netourei Karta) sont au départ
violemment antisionistes (4). Elles méprisent
les valeurs guerrières de la société
israélienne. Dans les années 1920, ce courant
reçoit le soutien des Juifs établis en Palestine avant
l’arrivée des colons sionistes (5). Ces Juifs
venus d’Espagne et les religieux qui sont arrivés pendant le
XIXe siècle et ont fondé le quartier de Méa
Shéarim à Jérusalem ont de bons rapports
avec les Palestiniens et refusent toute idée d’état juif.
Rabkin relate l’un des premiers assassinats commis par les sionistes en
1924 contre Jacob De Haan, un Juif religieux qui partait à
Londres pour essayer de convaincre les Anglais de réviser la
déclaration Balfour.
Les religieux décriront la Shoah comme une punition de Dieu
contre ceux qui l’ont abandonné. Leur non-violence les conduira
en pleine guerre à désapprouver la résistance
juive au Nazisme. Au moment de la création de l’Etat
d’Israël, les religieux refuseront de reconnaître le nouvel
état. Celui-ci multipliera les cadeaux aux religieux pour les
amadouer et les intégrer. Il y parviendra mais partiellement. Il
existe toujours à Jérusalem, à New York ou au
Canada de puissants courants religieux antisionistes.
Retrouver la mémoire
Personne ne peut imaginer, à l’échelle de l’histoire,
qu’Israël pourra s’imposer durablement à coup de violence,
d’humiliations et de destruction systématique de la
société Palestinienne. Pour être acceptés au
Proche-Orient, les Israéliens devront en finir avec l’arrogance
sioniste et le projet colonial. La peur, la récupération
du génocide ou la confusion entretenue entre Juif, Sioniste et
Israélien ne constituent pas un projet de société
viable à terme. Ceux qui prétendent de façon
exclusive représenter le judaïsme risquent d’en être
le fossoyeur. Quand les Israéliens réaliseront l’impasse
dans laquelle, à coup de crimes, on les emmène, ils
rechercheront d’autres voies. Celles-ci existent, à
l’intérieur de la société israélienne mais
aussi dans la diaspora. Elles sont certes encore très
minoritaires. On y trouve quelques religieux pacifistes mais surtout
une gauche laïque qui, au nom d’une tradition universaliste juive,
combat l’occupation. Les Israéliens qui n’acceptent pas la
pensée unique ont fini par aller à la rencontre de
« l’autre », des Palestiniens. De façon symbolique,
deux Juifs occupent un poste dans le gouvernement palestinien. Il y a
un rabbin de Netourei Karta qui s’occupe des affaires religieuses et
Ilan Halévi. Tour à tour Juif oriental, Juif
français, Juif israélien (et militant du groupe
d’extrême gauche Matzpen dans les années 70), Ilan est
allé au bout de ses convictions en devenant Juif palestinien et
ministre à Ramallah.
La société israélienne est malade. Malade de
l’ultralibéralisme qui détruit les solidarités,
malade du militarisme, du racisme et de l’occupation, malade d’une
forme de dégénérescence fort bien décrite
dans les films d’Amos Gitaï. Qu’il y ait dans le futur deux
états ou un seul, démocratique et laïque, le projet
sioniste d’état juif où les non-juifs n’ont pas droit
à une vraie citoyenneté n’a pas d’avenir. C’est en
puisant dans la mémoire de l’universalisme juif, du Bund, de la
MOI ou même des religieux antisionistes que les Israéliens
trouveront les moyens de rompre avec l’impasse actuelle. Sans cette
rupture, l’avenir sera barbare. Pour tout le monde.
Pierre Stambul
NOTES
(1) Histoire générale du Bund
d’Henri Minczeles, éditions Austral, 1995
(2) ils prônent le « transfert
» des Palestiniens en Jordanie, comme l’extrême droite
« laïque ». L’ancien ministre Rehavam Zeevi,
exécuté par le FPLP en avait fait le point central de son
programme.
(3) Au nom de la Torah, l’opposition juive au
sionisme de Yakov Rabkin, les presses de l’université Laval, 2004
(4) Les Loubavitch ne sont plus
antisionistes. Au contraire, Netouré Karta s’est
radicalisée.
(5) Des Juifs venus d’Espagne se sont
établis en Galilée à la fin du XVe siècle.
